Médiation Animale : Interview de l'association Ani'Med
Nos reporters Zoomalia ont rencontré Florence Mocellin, qui a créé l’association Ani’Med en 2017 et qui pratique la médiation animale en EHPAD. La médiation animale est un véritable bienfait pour les personnes âgées et elle permet d’apaiser leur quotidien grâce aux chiens, aux chevaux ou aux rongeurs. Florence redonne le sourire aux personnes âgées en présence de sa jeune ponette de 5 ans qui se prénomme Opaline. On vous dit tout de cette rencontre émouvante et touchante !
Qu'est-ce-que la Médiation Animale ? L'animal au cœur du lâcher-prise et de l'apaisement des humains
1 | Bonjour Florence, nous sommes ravies de vous rencontrer ! Pourriez-vous vous présenter et nous expliquer votre parcours et votre association ?
Je suis Florence Mocellin, j’ai créé l’association Ani’Med en 2017, et je pratique la médiation animale dans les structures spécialisées. Je vais vous parler un peu plus de mon parcours pour débuter.
Pendant 5 ans, j’ai aidé un enfant autiste, et j’ai également accompagné une petite fille albinos en tant que Accompagnant des Élèves en Situation de Handicap (AESH). J'ai accompagné différents enfants avec différents handicaps. J'ai toujours été sensibilisée aux handicaps, c'est toujours ce qui m'a attirée. J'ai toujours voulu aider les personnes.
Ensuite, j'ai pu intégrer un projet d'un foyer d'accueil médicalisé pour adultes autistes où il y avait une ferme sur place et un potager. Moi, je m'occupais de la partie animaux, de soins aux animaux et de mettre en place des activités avec les adultes qui vivaient sur place. J'ai commencé petit à petit à mettre en place des activités de médiation animale. J'ai travaillé cinq ans et demi là-bas, c'est ainsi que j'ai pu me former à la médiation animale grâce à AGATHA, qui est un organisme de formation de médiation animale maintenant reconnue par l’État, parce qu'ils ont pu créer la certification de chargée de projet en médiation par l'animal.
J'ai aussi fait un diplôme universitaire d'éthologie autour du comportement des animaux de compagnie, animaux de rente et animaux sauvages, ce qui m'aide au quotidien aussi à prendre soin de mes animaux en pouvant justement analyser un petit peu les comportements qu'ils ont en séance avec les personnes.
Et puis, suite à des soucis de santé, j'ai dû arrêter le travail que je faisais à la ferme avec les résidents autistes. Et donc, en 2017, j'ai créé l'association, Ani'Med et je me suis lancée vraiment à 100 % en 2018. D'abord bénévolement et depuis, ça fait maintenant deux ans que j'ai quitté le poste de Présidente pour pouvoir être employée par l'association et y travailler à temps plein. Je suis toute seule, je suis la seule employée de l'association et il y a énormément de travail. J’ai la chance d’avoir des bénévoles, amis et famille, qui m’aident en fonction de leur temps disponible.
2 | Avec quels animaux travaillez-vous dans ce processus de médiation animale ? Et comment ?
Je travaille avec plein d'animaux. Je travaille avec ma chienne Joy une Border Collie. Je travaille avec mes lapins, mes cochons d'Inde, mes chinchillas, mes octodons, mes chèvres, mes chevaux et poneys. Les cochons d’inde et les lapins sont plutôt calmes et à côté de ça, les chinchillas qui mettent du dynamisme dans les séances, comme les octodons. Ça correspond vraiment à différents caractères des personnes. Il y en a qui vont être plus attirées par un type d'animal plutôt qu'un autre.
Et puis après, au niveau des équidés, j'ai différents types d'équidés, dont Opaline qui se place en chambre, qui prend l'ascenseur, qui va dans les salons. Ensuite, j'ai un cheval de trait avec lequel j'ai monté un projet, une subvention qui a été pendant deux ans, on a travaillé dessus et on a obtenu une calèche PMR avec une rampe d'accès pour les fauteuils roulants. On peut donc promener les personnes.
3 | Pourquoi une telle envie de valoriser les EHPAD et de les accompagner avec un processus d’accompagnement grâce à la médiation animale ?
Clairement, j'ai été entourée d'animaux depuis toute petite et je sens le bienfait que ça m'a fait. J'ai pu traverser des périodes compliquées aussi à titre personnel et du coup, j'ai été vraiment persuadée au fond de moi du bienfait qu'ils peuvent nous faire. Et comme je vous disais, j'ai toujours eu aussi cette envie d'aider les personnes avec des handicaps.
En France, le métier de chargé de projet en médiation par l'animal commence tout juste à se développer. Mais c'est le métier qui m'a paru idéal, qui conciliait vraiment mon amour et mon envie d'aider les gens avec cet amour des bêtes que j'ai. Je savais que j'arriverai à faire quelque chose de bien avec eux. Il y avait déjà pas mal d'animaux qui m'entouraient, mes chevaux étaient déjà là. Ils avaient des capacités et des compétences qui étaient déjà très marquées pour la médiation animale.
Ma chienne Joy avait déjà été sélectionnée dans un établissement pour adultes autistes avec lesquels je travaillais. Ensuite, j'ai sélectionné mes petits rongeurs pour ça. Mais voilà, j'avais cette intuition profonde qu'en structure, on pourrait faire des choses superbes en conciliant les deux.
Comment se déroule une séance de médiation animale ?
4 | Quel est l'intérêt de la médiation animale et comment cela fonctionne ?
La médiation animale, ça consiste à mettre en relation des animaux médiateurs qui ont été formés à entrer en relation avec des personnes bénéficiaires qu'on va accompagner, qui interviennent en présence de leur propriétaire, c’est-à-dire l'intervenant en médiation par l'animal.
Ça crée un trio dans lequel l'intervenant a une relation avec son animal et on cherche à mettre en relation l'animal avec le bénéficiaire pour ensuite créer un lien entre le bénéficiaire et l'intervenant. Quand on a ce trio mis en place, on peut travailler par la suite sur des aspects de la vie quotidienne pour servir la personne accompagnée.
Par exemple, avec les personnes âgées que j'accompagne régulièrement, le but est de pouvoir garder des capacités motrices, de cognition et de mémorisation. L'animal, est un catalyseur dans tout ça et il permet de travailler ces choses sans que les personnes s'en rendent vraiment compte. L'animal est vraiment partie prenante de cette prise en charge. Souvent, les personnes qu'on accompagne ont un amour des bêtes, parce qu'il faut savoir qu'en médiation par animal, on ne travaille qu'avec des personnes qui sont volontaires. On ne va jamais forcer des personnes qui n'aiment pas les animaux, qui n'ont pas envie d'être là.
Il y a des liens très forts qui se construisent et j'ai des personnes avec qui je travaille toutes les semaines qui ont vraiment leur animal et qui me le demandent toutes les semaines. Je fais en sorte d'avoir cet animal quand je viens en séance.
5 | Pourriez-vous nous expliquer comment l’expérience a démarré ? Où intervenez-vous ?
J'interviens dans plusieurs EHPAD et après, j'interviens aussi auprès d'enfants polyhandicapés. J'interviens auprès d'adultes avec des épilepsies importantes qui sont stabilisées, mais qui ont aussi des handicaps associés.
J'interviens dans des Instituts Médico-Éducatifs. J'interviens en coopération avec une autre association, dans un IME pour des enfants sourds et aveugles qui ont des polyhandicaps assez lourds. Puis, dans des foyers de vie avec des adultes qui ont différents handicaps, plutôt mentaux.
6 | Nous savons qu’Opaline, votre jeune ponette de 5 ans, vous accompagne dans la visite des EHPAD, pourriez-vous nous décrire son comportement et une journée type avec elle et les personnes âgées ?
J’ai rencontré Opaline, lorsqu’elle avait deux ans et demi et elle arrivait de Hollande. Et elle n'avait, pour ainsi dire, quasiment jamais eu de contact avec l'humain. Elle avait fait sa vie au pré et elle avait été vendue dans un lot de poneys qui arrivait en France.
Je cherchais vraiment un poney pour la médiation animale, un poney formé. Puis, j’ai rencontré une personne qui m’a proposé d’aller voir un de ses poneys. C’était Opaline, effectivement, elle ne se laissait pas approcher du tout, mais il y a quelque chose qui s'est passé entre elle et moi, un lien très fort.
La suite me montrera que j’avais raison de faire confiance à mon instinct, notre rapprochement s’est fait progressivement. Je travaille au quotidien avec la méthode de l’équitation éthologique et l’analyse des comportements. Au bout de quelques temps, Opaline a montré des facultés exceptionnelles dès qu’elle a été en contact avec des personnes. Elle était très sereine et posée quand elle passait les portes des EHPAD et dans les salons.
Et les animaux médiateurs dans tout ça ?
7 | Comment préparez-vous Opaline à la rencontre dans une structure ?
Quand j'arrive dans les établissements, il y a toute la préparation de nettoyage, propreté. J’en ai pour une grosse demi-heure de nettoyage quand elle n'est pas trop sale.
Après, l'hiver, c'est un peu plus long parce qu'elle vit au pré. Après, je lui mets un petit surfait avec un sac à crottin si jamais il lui arrive d’avoir envie de faire ses besoins, mais c’est très rare que ça lui arrive. Opaline porte une petite chemise adaptée à la saison avec son étiquette et son prénom pour que les personnes puissent se souvenir d’elle.
8 | Comment réagissent les résidents en EHPAD en présence de votre animal ? Comment se passent les rencontres ? Est-ce qu’il y a des résultats d’apaisement suite à certaines pathologies ?
Quasiment toutes les personnes sont ébahies et n'en reviennent pas de voir un poney dans l'établissement. On assiste à des scènes assez rigolotes où les personnes n’arrêtent pas de répéter “c'est pas possible, c'est pas possible”.
On a très rarement des personnes qui ont peur des animaux, petit à petit, ils arrivent à briser la glace tout naturellement parce que par exemple avec Opaline, elle s'approche tout doucement et elle a une façon d'adapter son comportement aux personnes.
Avec des personnes qui ont une énergie très basse, qui sont très calmes, elle va s'approcher tout naturellement et puis s'adapter à leurs besoins sur le moment.
Il y a des personnes qu’Opaline n’arrive pas à apaiser, à calmer, d'autres avec qui elle passe un moment extraordinaire et elle rentre directement en relation avec la personne en face d’elle.
Opaline rentre dans une forme d’hypnose où elle va poser sa tête et avec son regard elle va capter les personnes. Son regard se met quasiment mi-clos et on peut observer une grande concentration. Moi, j’arrive à la sortir de ce moment lorsque ça peut être assez long, je lui parle, je la caresse et progressivement elle sort de cette phase d’hypnose. C’est très impressionnant à voir.
9 | Est-ce qu’il y a des résultats de guérison suite à certaines pathologies ?
On ne peut pas parler de guérison, par contre, un apaisement en présence de mes animaux peut durer des heures. Je prends souvent l’exemple d’Opaline, mais chaque animal que j’ai, apporte un apaisement bien particulier aux personnes.
La médiation animale est une pratique qui peut être à visée d’éveil, ludique, éducative, thérapeutique, et dans ce cas, permet de stabiliser les comportements et d’éviter que les patients s’enfoncent dans leurs pathologies. Il y a des personnes qui ne veulent plus se déplacer, sortir de leur chambre, voir les autres et quelque part, grâce à la présence d’un animal, ils se remettent à “vivre”, à partager et à ressentir des choses profondes et positives.
Le quotidien des animaux médiateurs et leur heureux partenaire
10 | Avez-vous des moments d'émotions à nous raconter ou des histoires atypiques qui se sont passées dans les structures ?
Oui, notamment, avec un monsieur qui travaillait avec des chevaux quand il était plus jeune, qui m'a raconté toutes ses histoires, et notamment une où il me racontait qu'il s'endormait entre les jambes du cheval de ses parents. Il avait une relation avec Opaline très, très particulière.
Opaline lui faisait une sorte de shampoing. Elle l'adorait, il était dégarni du crâne, donc avec ses lèvres, elle lui chatouillait le crâne, elle lui faisait des câlins. Elle avait vraiment des réactions très calmes avec ce monsieur. J’ai aussi l’histoire d'une dame qui était alitée, on pensait qu’elle était proche de la fin. On est allé la voir plusieurs fois en chambre et puis un beau jour, je l'ai vu dans le salon et du coup, je me suis dit c'est vraiment super qu'elle ait pu revenir avec les autres personnes.
J’ai aussi rencontré une dame aveugle qui ne voulait plus faire d’activités. Opaline lui redonne le sourire à chaque fois qu’elle passe un moment avec elle, c’est son moment d’échappatoire qui la fait sortir de sa pathologie et de son état de santé.
La dernière fois, cette dame a bien voulu aller faire un tour de calèche avec mon cheval de trait, ce qui était un moment inespéré ! Il y a plusieurs histoires émouvantes, je rencontre beaucoup de personnes et c’est toujours des moments très forts.
11 | Pourriez-vous m’expliquer les comportements de vos animaux en séance ?
Entre les lapins, les cochons d'Inde et les chinchillas, c'est vrai que c'est 3 caractères différents. Les cochons d'Inde sont très gourmands, donc ils adorent qu'on leur donne à manger. Une fois qu'ils ont fini de manger, ils se rassemblent.
Les lapins, eux, vont gambader sur la table toute la séance, ils aiment bien se faire caresser.
Les chinchillas, viennent sur les genoux, et choisissent les personnes. Quand il y en a un ou deux qui sont choisis pendant la séance, les résidents sont super contents.
12 | Enfin, si vous aviez un mot à dire à nos lecteurs sur les bienfaits de la médiation animale en EHPAD, que leur diriez-vous ?
C’est un métier passion qu’il faut exercer avec ses tripes. Ce n’est pas un métier qu’on choisit par hasard, il faut vraiment avoir cet amour pour les personnes et les animaux. Ce métier demande énormément d’investissement personnel, car à côté des séances, il y a le soin apporté aux animaux, les soins quotidiens, mais aussi lorsqu’il y a un souci de santé.
Si vous avez cet amour des animaux et d’aider les autres, c’est vraiment un métier que je peux vous conseiller par rapport aux moments de partage entre les animaux et les personnes qu’on rencontre.
J’ai un point important à ajouter : c’est de vraiment faire attention au nombre d’animaux que vous avez pour pratiquer la médiation animale, c’est un métier qui les fatigue. Mes études d’éthologie m’ont sensibilisé à tout ça. Personnellement, j’ai un très grand nombre d’animaux, une douzaine de cochons d’Inde, cinq lapins, quatre chinchillas, deux octodons, cinq chevaux, un poney et un chien. Bref…
Tout ça me permet de faire des rotations et que chacun puisse avoir son temps de repos, ses moments de jeux, de liberté… J’ai la chance de partager tous ces bons moments avec mes animaux, car je leur offre des conditions de vie qui leur conviennent et qui sont adaptées à leurs besoins.
En résumé ! Ani'Med vient de nous faire découvrir ce qu'est la médiation animale et ses bienfaits sur les humains. Surprenant ! ! ! Elle vise à établir une connexion, voire une communion, entre le patient et l'animal formé et accompagné par le professionnel dans un cadre préventif ou thérapeutique. Il en résulte un éveil, une réaction aussi minime soit-elle, un échange profond qui ne regarde qu'eux, un regard sur la vie ou un souvenir d'enfance. Bravo à l'intuitive Florence et à ses animaux de compagnie engagés dans les soins à la personne.